voici un lien intéressant me semble t il pour comprendre les mécanismes de la dette et les moyens de sortir de cette logique d 'endettement qui pour des raisons politiques, sociales et écologiques n 'est pas viable
il s 'agit d 'un article écrit par un des rares économistes rejettant le dogme de la croissance
Que pensez vous de ses préconisations?
L ETAT DOIT IL S'ENDETTER?
Ce texte a été publié par Politis le 22 septembre. Je l’ai complété par deux ajouts. On en retrouvera également des passages dans un article du « Sarkophage » du 17 septembre intitulé « La dette et les agences de notation ».
L’idée de l’illégitimité des dettes publiques et d’audits citoyens progresse. Une dette qui provient 1) des cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, 2) de la soumission à des « marchés » constitués en fait des gros spéculateurs de la planète, 3) de la crise financière provoquée par ces derniers et 4) de la privatisation d’un bien commun (la monnaie, le crédit), est illégitime, en totalité ou en partie.
Mais une autre question se pose. Elle concerne la légitimité du principe de l’endettement public comme nécessité permanente. Cela mérite aussi discussion. Il y a certes besoin d’investissements publics importants pour surmonter la crise écologique et sociale, mais aussi de dépenses pour l’enseignement, la santé, etc. Faut-il pour cela que l’État s’endette constamment ?
Une explication de la crise doit être ajoutée aux précédentes : le culte de la croissance et ses ingrédients : productivisme, consumérisme, crédit. Les dettes publiques et les dettes privées constituent des vases communicants, et c’est le plus souvent au nom de la croissance que l’endettement (public et privé) et les réductions d’impôts ont été justifiées. Le libéral-croissancisme, qui fait des ravages écologiques et humains, pousse aussi à l’endettement public et privé avec cette double idée, de plus en plus nocive : 1) les crédits et réductions d’impôts d’aujourd’hui confortent la croissance de demain en « relançant » l’économie, et 2) les emprunts d’aujourd’hui seront aisément remboursés demain si la croissance est au rendez-vous. On voit où nous mène cette fuite en avant.
Il ne suffit donc pas de désarmer les marchés, même si à court terme c’est l’urgence absolue. Il faut aussi évaluer la légitimité des dépenses publiques, dont une partie est socialement et écologiquement inutile ou nuisible, impulsée par des lobbies d’affaires et par la concurrence destructrice entre pays ou territoires : dépenses de prestige, dépenses militaires, certains grands équipements et infrastructures, grands stades, aéroports, « pôles d’excellence », jeux olympiques/publicitaires et autres symboles de la mégamachine lucrative et concurrentielle du « toujours plus vite, plus loin, plus grand ».
Dernier exemple : Nicolas Sarkozy inaugure une nouvelle ligne TGV et cherche à vendre à l’étranger ce fleuron national. Qui se pose la question de l’utilité sociale et écologique de l’extension indéfinie du TGV (jusqu’à Nice, Turin, etc.) alors qu’il ne concerne que 10 % des usagers du train et qu’on sacrifie les autres 90 % ainsi que le fret ? Qui explique qu’il s’agit d’un gouffre financier ? La dette de RFF (réseau ferré de France) est de 30 milliards d’euros et probablement 40 dans dix ans ! Qui discerne, derrière le tout TGV, les lobbies à l’œuvre, nucléaire en tête, banques et entreprises de construction, mais aussi certains élus et CCI (« le TGV devant chez moi »). Il nous faut (aussi) des audits citoyens sur ces questions pour que les dépenses publiques soient réorientées vers l’utilité sociale durable.
Il n’y a aucun besoin de croissance pour régler la crise des dettes publiques. Il faut à court et moyen terme, dans un pays économiquement très riche, prendre les ressources là où elles se trouvent après des décennies d’accaparement par les plus riches et par les entreprises qu’ils contrôlent. 80 à 100 milliards d’euros peuvent être dégagés par an, sans croissance. La grande condition est donc une forte réduction des inégalités, ce qui suppose de désarmer la finance qui les a creusées. Il n’y avait pas de déficit public au cours des « Trente Glorieuses » !
Paragraphe ajouté à l’article de Politis
La référence précédente aux « Trente Glorieuses » renvoie à deux arguments. D’abord, cette allusion veut au moins dire que ceux qui pensent que sans endettement PUBLIC permanent il n’y a pas de “développement économique” devraient réfléchir à cette période où la croissance n’a jamais été aussi forte (bien trop forte sur le plan du dépassement des seuils écologiques…) sans déficit public. Deuxième argument : l’endettement public permanent n’avait aucune nécessité à l’époque, y compris en termes de croissance, pour de très nombreuses raisons, qui renvoient toutes à la différence entre le capitalisme managérial fordiste à forte présence publique et à faible pouvoir actionnarial et le capitalisme financier ou néolibéral : banques publiques, secteur productif public, pouvoir insignifiant des marchés financiers, inégalités en baisse, impôts progressifs, gains salariaux plus ou moins en phase avec les gains de productivité, planification, etc. C’est le néolibéralisme qui a promu la dette (publique et privée) comme outil « nécessaire à la croissance ». L’endettement public permanent est une invention néolibérale et un puissant outil de domination des peuples par la finance (voir le dernier paragraphe).
A plus long terme, mais il faut déjà engager la transition, une société post-croissance, débarrassée de la logique de l’avidité consumériste et du productivisme, n’aurait probablement qu’un faible besoin d’endettement des ménages et des entreprises, et encore moins des États, pour assurer le bien vivre de tous. À l’opposé de toute « règle d’or » des techno-économistes, il appartient aux délibérations citoyennes d’évaluer les besoins légitimes de crédit « coopératif » et les instruments appropriés dans une perspective d’égalité et de sobriété librement choisies.
Ajout à l’article de Politis
Même s’il faut distinguer des dettes modérées, acceptables voire souhaitables (en fonction de larges délibérations, et pas sur des critères de techno-économistes) et d’autres qui constituent des risques, il ne faut pas oublier que la dette, publique ou privée, est depuis des décennies un puissant instrument de domination des prêteurs sur les emprunteurs et donc de renforcement du pouvoir de la finance.
C’est vrai pour les ménages : Alan Greenspan déclarait, avant la crise actuelle, que la propriété individuelle de leurs logements [via le crédit] était le plus sûr moyen d’attacher les Américains au capitalisme. Il n’avait pas tort à bien des égards, à condition de comprendre « attacher » par « enchaîner » et « enrôler ». Et dans le numéro de Politis où ce texte a été publié, l’écrivain François Cusset livre un excellent texte intitulé « Je suis un peu en DT (détresse totale) », avec cette phrase choc : « Toute cette histoire de dette est la ruse géniale de la raison néolibérale pour gouverner nos conduites ».
Mais c’est vrai aussi pour les États. L’endettement organisé des pays du Sud a constitué, comme le montre inlassablement le CADTM (voir son site http://www.cadtm.org/), l’outil privilégié de leur asservissement économique et .
Jean Gadrey
Jean Gadrey, 68 ans, est Professeur émérite d'économie à l'Université Lille 1.
Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères).
S'y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques).
Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.
Vente en ligne
il s 'agit d 'un article écrit par un des rares économistes rejettant le dogme de la croissance
Que pensez vous de ses préconisations?
L ETAT DOIT IL S'ENDETTER?
Ce texte a été publié par Politis le 22 septembre. Je l’ai complété par deux ajouts. On en retrouvera également des passages dans un article du « Sarkophage » du 17 septembre intitulé « La dette et les agences de notation ».
L’idée de l’illégitimité des dettes publiques et d’audits citoyens progresse. Une dette qui provient 1) des cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, 2) de la soumission à des « marchés » constitués en fait des gros spéculateurs de la planète, 3) de la crise financière provoquée par ces derniers et 4) de la privatisation d’un bien commun (la monnaie, le crédit), est illégitime, en totalité ou en partie.
Mais une autre question se pose. Elle concerne la légitimité du principe de l’endettement public comme nécessité permanente. Cela mérite aussi discussion. Il y a certes besoin d’investissements publics importants pour surmonter la crise écologique et sociale, mais aussi de dépenses pour l’enseignement, la santé, etc. Faut-il pour cela que l’État s’endette constamment ?
Une explication de la crise doit être ajoutée aux précédentes : le culte de la croissance et ses ingrédients : productivisme, consumérisme, crédit. Les dettes publiques et les dettes privées constituent des vases communicants, et c’est le plus souvent au nom de la croissance que l’endettement (public et privé) et les réductions d’impôts ont été justifiées. Le libéral-croissancisme, qui fait des ravages écologiques et humains, pousse aussi à l’endettement public et privé avec cette double idée, de plus en plus nocive : 1) les crédits et réductions d’impôts d’aujourd’hui confortent la croissance de demain en « relançant » l’économie, et 2) les emprunts d’aujourd’hui seront aisément remboursés demain si la croissance est au rendez-vous. On voit où nous mène cette fuite en avant.
Il ne suffit donc pas de désarmer les marchés, même si à court terme c’est l’urgence absolue. Il faut aussi évaluer la légitimité des dépenses publiques, dont une partie est socialement et écologiquement inutile ou nuisible, impulsée par des lobbies d’affaires et par la concurrence destructrice entre pays ou territoires : dépenses de prestige, dépenses militaires, certains grands équipements et infrastructures, grands stades, aéroports, « pôles d’excellence », jeux olympiques/publicitaires et autres symboles de la mégamachine lucrative et concurrentielle du « toujours plus vite, plus loin, plus grand ».
Dernier exemple : Nicolas Sarkozy inaugure une nouvelle ligne TGV et cherche à vendre à l’étranger ce fleuron national. Qui se pose la question de l’utilité sociale et écologique de l’extension indéfinie du TGV (jusqu’à Nice, Turin, etc.) alors qu’il ne concerne que 10 % des usagers du train et qu’on sacrifie les autres 90 % ainsi que le fret ? Qui explique qu’il s’agit d’un gouffre financier ? La dette de RFF (réseau ferré de France) est de 30 milliards d’euros et probablement 40 dans dix ans ! Qui discerne, derrière le tout TGV, les lobbies à l’œuvre, nucléaire en tête, banques et entreprises de construction, mais aussi certains élus et CCI (« le TGV devant chez moi »). Il nous faut (aussi) des audits citoyens sur ces questions pour que les dépenses publiques soient réorientées vers l’utilité sociale durable.
Il n’y a aucun besoin de croissance pour régler la crise des dettes publiques. Il faut à court et moyen terme, dans un pays économiquement très riche, prendre les ressources là où elles se trouvent après des décennies d’accaparement par les plus riches et par les entreprises qu’ils contrôlent. 80 à 100 milliards d’euros peuvent être dégagés par an, sans croissance. La grande condition est donc une forte réduction des inégalités, ce qui suppose de désarmer la finance qui les a creusées. Il n’y avait pas de déficit public au cours des « Trente Glorieuses » !
Paragraphe ajouté à l’article de Politis
La référence précédente aux « Trente Glorieuses » renvoie à deux arguments. D’abord, cette allusion veut au moins dire que ceux qui pensent que sans endettement PUBLIC permanent il n’y a pas de “développement économique” devraient réfléchir à cette période où la croissance n’a jamais été aussi forte (bien trop forte sur le plan du dépassement des seuils écologiques…) sans déficit public. Deuxième argument : l’endettement public permanent n’avait aucune nécessité à l’époque, y compris en termes de croissance, pour de très nombreuses raisons, qui renvoient toutes à la différence entre le capitalisme managérial fordiste à forte présence publique et à faible pouvoir actionnarial et le capitalisme financier ou néolibéral : banques publiques, secteur productif public, pouvoir insignifiant des marchés financiers, inégalités en baisse, impôts progressifs, gains salariaux plus ou moins en phase avec les gains de productivité, planification, etc. C’est le néolibéralisme qui a promu la dette (publique et privée) comme outil « nécessaire à la croissance ». L’endettement public permanent est une invention néolibérale et un puissant outil de domination des peuples par la finance (voir le dernier paragraphe).
A plus long terme, mais il faut déjà engager la transition, une société post-croissance, débarrassée de la logique de l’avidité consumériste et du productivisme, n’aurait probablement qu’un faible besoin d’endettement des ménages et des entreprises, et encore moins des États, pour assurer le bien vivre de tous. À l’opposé de toute « règle d’or » des techno-économistes, il appartient aux délibérations citoyennes d’évaluer les besoins légitimes de crédit « coopératif » et les instruments appropriés dans une perspective d’égalité et de sobriété librement choisies.
Ajout à l’article de Politis
Même s’il faut distinguer des dettes modérées, acceptables voire souhaitables (en fonction de larges délibérations, et pas sur des critères de techno-économistes) et d’autres qui constituent des risques, il ne faut pas oublier que la dette, publique ou privée, est depuis des décennies un puissant instrument de domination des prêteurs sur les emprunteurs et donc de renforcement du pouvoir de la finance.
C’est vrai pour les ménages : Alan Greenspan déclarait, avant la crise actuelle, que la propriété individuelle de leurs logements [via le crédit] était le plus sûr moyen d’attacher les Américains au capitalisme. Il n’avait pas tort à bien des égards, à condition de comprendre « attacher » par « enchaîner » et « enrôler ». Et dans le numéro de Politis où ce texte a été publié, l’écrivain François Cusset livre un excellent texte intitulé « Je suis un peu en DT (détresse totale) », avec cette phrase choc : « Toute cette histoire de dette est la ruse géniale de la raison néolibérale pour gouverner nos conduites ».
Mais c’est vrai aussi pour les États. L’endettement organisé des pays du Sud a constitué, comme le montre inlassablement le CADTM (voir son site http://www.cadtm.org/), l’outil privilégié de leur asservissement économique et .
Jean Gadrey
Jean Gadrey, 68 ans, est Professeur émérite d'économie à l'Université Lille 1.
Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères).
S'y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques).
Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.
Vente en ligne
Jeu 27 Déc - 20:48 par Marta
» Mardi 13/11 - 18h30 - LA ROCHELLE - Projection "Les moissons du futur" suivie d'un débat "Agroécologie et agriculture biologique" dans le cadre de "Sciences en bobines" avec ATTAC , SUD Recherche EPST et la Fondation Sciences Citoyennes
Jeu 25 Oct - 14:06 par Marta
» plus de messages
Lun 22 Oct - 21:04 par klervi
» Dimanche 21/10 - 8h00 - Transhumance solidaire, de retour des vaches Maraîchines entre la Réserve Naturelle Régionale de La Massonne et le domaine de Berthegille
Mer 17 Oct - 14:29 par Marta
» Jeudi 18/10 - 18h00 - Maison de quartier de Port-Neuf (LR) - Réunion publique | Plan de Prévention des Risques Technologiques pour l'établissement Rhodia
Ven 12 Oct - 12:06 par Marta
» 12,13,14/10 - Fête de la Science au muséum d'histoire naturelle de La Rochelle
Ven 12 Oct - 11:59 par Marta
» Mercredi 24/10 - 17h00 - Conférence "L'eau des Rochelais" au Muséum d'histoire naturelle
Ven 12 Oct - 11:55 par Marta
» Mardi 16/10 - Arte 20h40 - Docu "Les moissons du futur" (Comment l’agroécologie peut nourrir le monde?)
Mer 10 Oct - 8:53 par Marta
» Mardi 16/10 - France 5 20h35 - Docu "OGM : vers une alerte mondiale?"
Mar 9 Oct - 16:11 par Marta
» 12-13/10 - Salon de la croissance verte et des éco-industries (La Rochelle - Espace Encan)
Lun 8 Oct - 18:44 par Marta
» Samedi 24/11 - Zone de gratuité à Saint Jean de Liversay
Lun 8 Oct - 16:23 par Marta
» Jeudi 06/12 - Rencontres Régionales de l'Education à l’Environnement Littoral (E.C.O.L.E. de la mer - La Rochelle)
Ven 5 Oct - 19:54 par Marta